Les spécificités du leadership basé sur la confiance dans un environnement complexe
Nous avons mené une enquête qualitative auprès de managers pendant plus de 3 ans[1]. Elle a porté sur trois axes avec 3 questions :
- Qu’est-ce que la confiance ?
- Comment construisez-vous les relations de confiance au sein de votre organisation (équipe, service, département, etc.) ?
- Et quelles sont les 5 caractéristiques d’un leader qui inspire la confiance ?
La première question a semblé être la plus embarrassante pour les managers car la notion de confiance fait partie de ces « évidences » quotidiennes avec lesquelles nous vivons et pour lesquelles nous avons de grandes difficultés à fournir une définition.
La seconde question sur la construction des relations de confiance a fourni les matériaux pour définir les contenus des 6 axes que nous vous soumettons dans ce travail autour de 4 thématiques fondamentales
- La capacité à faire face aux adversités et aux difficultés que l’on rencontre dans le contexte actuel marqué par de fortes turbulences.
- La construction d’une vision ou une ambition commune pour l’équipe de façon à produire du sens et à fournir un cap aux collaborateurs. Cette vision est d’autant plus facilement appropriée qu’elle est co-élaborée avec l’ensemble des parties prenantes.
- La nécessité de protéger et de défendre son équipe face aux attaques internes et externes. Et de regarder vers le « bas », plus que vers le « haut » pour construire sa légitimité, autrement dit, ne pas faire preuve d’opportunisme vis-à-vis de son équipe, ne pas les trahir, savoir monter au front pour se battre pour son équipe, les assister dans leur parcours et être présent en cas de besoin. Ces entretiens nous ont permis de voir que, même si la construction de la confiance n’était pas une préoccupation explicite pour les managers que nous avons rencontrés, elle constituait un implicite indispensable et naturel, sans quoi la relation managériale était très difficilement envisageable.
- La relation avec le monde extérieur et la capacité à faire face à l’instabilité, à l’ambiguïté, aux incertitudes, etc., en assurant les mouvements justes et convenables et en tenant la « barre » pour skipper par « gros temps » étaient une autre préoccupation majeure pour construire les relations de confiance au quotidien.
La troisième question a permis de définir les caractéristiques de ces leaders sous forme d’adjectifs tels que : visionnaire, courageux, compétent, rebelle, responsable, intègre, authentique, sincère, capable, proche, disponible, empathique, performant, inspirant, à l’écoute, humain, compétiteur, juste, humble, innovant, fédérateur, mobilisant, solidaire, ouvert, réceptif, ambitieux pour son équipe, franc, honnête, agile, rapide, charismatique, fin, reconnaissant, capitaine par gros temps, frugal dans ses projets, etc.
Les axes que nous avons choisis correspondent au regroupement de l’ensemble de ces informations en tenant compte des spécificités de notre environnement « nouveau normal » qui exige la conjonction de deux vecteurs essentiels :
- La réduction des incertitudes pour pouvoir s’engager,
- L’élaboration de projets à la fois innovants, enthousiasmants et empreints de frugalité pour pouvoir agir et assurer la pérennité de l’organisation en anticipant ses évolutions.
Les six axes que nous avons choisis :
- Vision : le leader doit avoir un projet ambitieux et enthousiasmant pour son organisation. Son élaboration implique :
- Le déploiement d’une intelligence de situation pour bien saisir à la fois les spécificités de son environnement ses possibilités de mutation, ses contraintes/menaces et ses opportunités, en mobilisant l’intelligence collective,
- La définition d’un objectif grand et audacieux qui offre une perspective réalisable dans un horizon temporel donné, fondée sur les valeurs communes de l’organisation et sa mission fondamentale.
- Agilité : pour pouvoir faire face aux changements récurrents de l’environnement en faisant preuve de souplesse, d’adaptation de vitesse dans la réalisation des choses et en s’accordant avec l’ensemble des parties prenantes.
- Pour lui donner consistance, on doit être en mesure de conduire des processus de changement à chaque fois que cela est nécessaire et mobiliser l’ensemble des parties prenantes internes mais aussi externes à l’organisation dans la conception des projets,
- Ces projets doivent être innovants si nous souhaitons disposer d’avantage compétitifs sur les concurrents ou encore si nous voulons tout simplement avoir des services et des prestations plus en rapport avec l’évolution de notre monde. L’innovation frugale doit être la démarche stratégique à utiliser car elle permet d’intégrer le principe de la finitude des ressources.
- Collaboration : on ne peut avoir des relations de confiance dans un environnement de tension avec des partenaires qui cherchent à se trahir, à détourner les ressources limitées de notre monde à leur propre fin. La collaboration devient le principal levier d’action dans le « nouveau normal » car elle permet de déployer les relations coopératives et de coordonner les actions dans le cadre d’un objectif déterminé.
- La coopération au sens de agir ensemble (co-opérer) est fonction des volontés individuelles. Elle implique l’engagement des acteurs autour d’un projet commun et leur compliance autour de règles communes, supposant qu’on s’investira au même niveau que les autres (la réciprocité),
- La coordination au sens de l’organisation des actions, des interactions, des interfaces (co-ordonner) vise à mettre de l’ordre dans les relations et permet aux parties prenantes de savoir Qui ? Fait quoi ? Comment ? Pour arriver à quels résultats ? Dans quel délai ? Avec quel type de ressources ? Sur la base de quel type d’information ? Avec quelle marge de manœuvre ? Dans quels périmètres ? Etc.
- Confiance organisationnelle (Confidence) : nous avons posé comme hypothèse fondamentale de notre travail qu’il y avait deux types de confiance : la confiance organisationnelle et la confiance interpersonnelle. La première concerne les capacités du leader de créer un cadre organisationnel qui permet l’émergence des relations de confiance ;
- La définition du cadre dans les relations organisationnelles est un élément crucial pour cette forme de confiance. On a besoin de savoir quels sont les dispositifs qui régulent nos relations et comment on peut être protégé.
- La seconde dimension de la confiance organisationnelle concerne la transparence et la capacité à dire la vérité. Les gens ont du mal à faire confiance lorsqu’ils ont le sentiment que les choses ne sont pas dites.
- Confiance interpersonnelle (Trust) : elle concerne les relations entre les personnes et l’humanité dont on doit faire preuve.
- Elle recouvre dans un premier temps l’intégrité et l’authenticité dont les acteurs peuvent faire preuve dans leurs relations,
- Dans un second temps, elle concerne la capacité à se centrer sur autrui. Plus on est centré sur soi, plus on pense à ses propres objectifs et intérêts, moins on peut générer des relations de confiance.
- Humilité : c’est l’un des traits fondamentaux mis en exergue lors de notre enquête. Il s’agit de sortir des pièges de la séduction que procure la référence au « charisme » et son emprise sur les êtres. Les managers rencontrés ont presque systématiquement évoqué l’humilité comme la figure convenable dans notre environnement du fait de la dispersion des compétences et des savoirs
- Elle se traduit par une connaissance fine de soi, de ses forces, de ses faiblesses, et surtout la prise de conscience du fait qu’il existe d’autres sources de savoir et de compétences largement supérieures à soi sans, pour autant, conduire les acteurs à l’autodénigrement.
- Elle se décline en posture délibérative visant à développer le plus possible la participation de l’ensemble des parties prenantes dans la conception des projets, dans la résolution des problèmes, etc., et à changer le regard sur les collaborateurs qui, dans cette optique, ne sont plus considérés comme des captifs de l’ordre organisationnel devant adhérer à ce qu’il prescrit mais des coproducteurs responsables des décisions et des actions qui doivent approuver de manière éclairée.
Le schéma ci-dessous représente les six axes du leadership par la confiance (Trust Leadership Profil©) , tel que nous le préconisons.
[1] Enquête qualitative conduite auprès d’un échantillon de 87 managers appartenant à différents secteurs et à différents niveaux hiérarchiques (de cadre de proximité au PDG).